Critères de la para-hôtellerie applicable aux locations meublées soumises à TVA – Tribunal administratif de Grenoble, 14.10.2022
Cette décision du tribunal est l’amorce d’une remise en cause globale de la méthode consistant à vérifier si l’entreprise fournit 3 des 4 critères prévus par l’article 261D du Code général des impôts. Si la Cour d’appel, voire le Conseil d’Etat, donne raison au tribunal administratif, les prestations visées par cet article ne pourraient plus qu’avoir un rôle indicatif. Il appartiendrait donc à l’entreprise, au regard d’un faisceau d’indices, de démontrer que son mode d’exercice relève du secteur hôtelier, quand bien même 3 des 4 critères ne seraient pas parfaitement remplis.
La démonstration du tribunal de Grenoble convainc. Si elle est suivie par la Cour d’appel, il est à espérer que le respect de trois des quatre critères ne soient pas effacés de la loi. Ils ont le mérite d’être clairs et objectifs permettant de solliciter l’assujettissement à la TVA de l’activité sans remise en cause. On sait parfaitement que les conséquences financières sont redoutables car la plupart du temps, les entreprises, à la suite de travaux importants, sollicitent en début d’activité un remboursement de crédit TVA, lequel crédit doit être remboursé au Trésor en cas de remise en cause du régime.
Pour rappel, le raisonnement se fait en deux temps : l’exonération de TVA est une exception ; l’assujettissement à la TVA des opérations économiques demeurant le principe de base.
1er temps : Exonération de TVA des prestations d’hébergement. Les exonérations sont d’interprétation stricte car elles constituent une dérogation au principe général d’assujettissement à la TVA des prestations de services effectuées par un assujetti agissant en tant que tel.
2ème temps : Exception à l’exonération : les prestations d’hébergement temporaire ayant une fonction similaire au secteur hôtelier ou para-hôtelier et qui se situent en concurrence potentielle avec ce secteur. Cette exception à l’exonération doit, par contre, faire l’objet d’une interprétation large puisqu’elle a pour finalité d’assujettir à la TVA une opération économique, laquelle est par nature toujours imposable dès l’instant où elle est réalisée dans un contexte analogue au secteur hôtelier.
Le tribunal juge au regard du droit et de la jurisprudence communautaire ** (et non au regard du droit interne français) que seuls doivent être exonérés de la TVA que les assujettis dont l’activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d’une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ce type d’entreprise. La notion de secteur ayant une fonction similaire ne peut recevoir une interprétation stricte. Par suite, la circonstance qu’un opérateur ne fournisse pas trois des quatre prestations mentionnées au b du 4° de l’article 261 D ne permet pas d’écarter de manière certaine que les prestations d’hébergement temporaires qu’il réalise entrent en concurrence avec le secteur hôtelier. Dès lors, en exigeant, pour fixer le champ de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, que les prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle comportent nécessairement un nombre prédéterminé de prestations de services accessoires qu’elles énumèrent, les dispositions précitées de l’article 261 D limitent excessivement le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations d’hébergement temporaire qui remplissent les fonctions essentielles d’une entreprise hôtelière et sont en concurrence potentielle avec ces dernières. Dans cette mesure, ces dispositions méconnaissent les objectifs de la directive n° 2006/112/CE.
** Extrait décision du TA Grenoble qui considère que les critères contraignant de l’article 261 D CGI vont à l’encontre des objectifs du législateur européen4. Aux termes de l’article 135 de la directive n° 20
06/112/CE, reprenant les dispositions du b) du B de l’article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : « 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (…) l) l’affermage et la location de biens immeubles. 2. Sont exclues de l’exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : a) les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper (…) ».
5. Par un arrêt du 12 février 1998, E. B. c/Finanzamt München, C-346/95, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d’affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Elle en a déduit que le membre de phrase « à l’exception des opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire », figurant à l’article 13 B, sous b), point 1, de la sixième directive, introduit une exception à l’exonération prévue par ces dispositions pour la location de biens immeubles et qu’il place donc les opérations qu’il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la taxe toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues et, qu’ainsi, cette clause ne saurait recevoir une interprétation stricte.